CRITIQUE CINE – Funan
|Auréolé du prix du meilleur long métrage du dernier Festival d’animation d’Annecy, le film Funan débarque ce mois-ci dans les salles obscures. A découvrir à tout prix !
L’histoire de Funan nous remet dans le contexte terrible du Cambodge du milieu des années 70, à l’heure où les troupes khmères rouges lançaient leur offensive sur la capitale Phnom Penh. Le récit s’intéresse à une famille cambodgienne enlevée de leur quotidien paisible pour un long exode qui les mènera vers l’inconnu. Du haut de ses quatre ans, le jeune Chou se retrouve rapidement séparé de ses parents. Ces derniers, morts d’inquiétude, tentent de le retrouver, en vain. Le joug des Khmers rouges est tel qu’il est impossible d’espérer à des retrouvaille rapides. Le peuple exilé est malmené, réduit à l’état d’esclavage sur des travaux d’intérêt commun « au nom du peuple ». Tandis que les hommes et les femmes se tuent à la tâche sous le regard méprisant des gardes, les enfants sont endoctrinés à la propagande de la terreur du régime d’Angkar.
La boule au ventre, le spectateur suit les tentatives des parents de Chou pour retrouver leur fils tout en essayant de survivre à leur quotidien harassant. Une histoire qui s’inspire de faits réels tirés du récit de la mère de Denis Do, jeune réalisateur français d’origine cambodgienne sorti de la talentueuse écoles des Gobelins. Le titre Funan fait référence au royaume du Sud Est de l’Indochine correspondant en grande partie au Cambodge actuel. Une ère où le peuple de Funan vivait dans la prospérité et la paix.
Ce premier film hommage est une véritable réussite tant au niveau de sa réalisation, soignée, que par le traitement de ce sujet délicat qu’est celui de la guerre. Pour m’être déjà rendu dans ce pays, j’ai été littéralement subjugué par la beauté des décors et la fidélité des paysages, de véritables cartes postales du Cambodge.
Cet havre de paradis est totalement contrebalancé par les horreurs perpétrés par les Khmers rouges. Fait intéressant, le réalisateur s’est intéressé à la narration de cette famille cambodgienne déchirée par la guerre plutôt que sur la retranscription des tortures des Khmers rouges. Bien qu’invisible, la violence n’en est que plus forte au travers des regards, des larmes et des dialogues.
On est alors pris par l’émotion au fur et à mesure que l’on voit l’état de santé des protagonistes se dégrader, réduisant de fait l’espoir de retrouver leur enfant et le bonheur d’une vie paisible. Plus qu’un devoir de mémoire, Denis Do signe ici un récit touchant d’une étonnante maturité pour un premier film. Funan est à classer parmi les chefs d’oeuvre de l’animation au même titre que l’a été Le Tombeau des Lucioles d’Isao Takahata, ceux dont on se souviendra plusieurs années après. Mention spéciale à l’excellent travail de doublage de Louis Garrel et de Bérénice Béjo (The Artist).
Distribué par BAC Films, Funan est actuellement diffusé au cinéma
VERDICT
Film : Funan
Quand La Déchirure rencontre Le Tombeau des Lucioles: avec Funan, Denis Do retranscrit avec justesse et aisance l’ambiance oppressante vécue par ces cambodgiens déportés durant le régime du dictateur Pol Pot entre 1975 et 1979. La force des dessins et des animations parvient à toucher le spectateur, épris par les différents membres de cette famille cambodgienne qui n’était pas préparée à cela. Un film choc sur fond de tolérance et de respect d’autrui qui sonne juste au moment où l’actualité nous rappelle à ces heures tristement sombres.