CRITIQUE CINE – Arrietty, le petit monde des chapardeurs

Le dernier rejeton des studios Ghibli débarque enfin dans notre beau pays, près de cinq mois après sa sortie dans les salles obscures japonaises. Sous le titre « Arrietty, le petit monde des chapardeurs », Hayao Miyazaki nous emmène faire la connaissance d’une famille de lilliputiens pas comme les autres…

L’adolescence a cette particularité de n’être qu’une période transitoire de notre vie,  un moment finalement assez éphémère où l’on ne sait si l’on est pressé de  basculer dans le monde des adultes ou demeurer dans l’insouciance des jours heureux. Pour Arrietty, la question ne se pose plus : elle en a assez de rester dans les jupons de sa mère ! Alors quand vient le moment tant attendu de sa première chaparde avec son père, c’est tout un nouveau monde qui se découvre à la jeune fille de quatorze ans ! Imaginez son excitation ! Mais Arrietty le sait : il y a des règles et il lui faut les respecter pour sa survie et celle des siens. Paradoxalement, elle vit dans ce « nouveau monde » depuis sa tendre enfance. Plus précisément, elle en connaît les odeurs, les recoins, les objets … puisqu’elle en est la locataire clandestine !

Car Arrietty, tout comme sa famille composée de ses seuls père et mère, ne mesure pas plus haut que dix centimètres ! Tous trois vivent  paisiblement dans le plus grand secret d’une vieille maison de campagne, se nourrissant des « minuscules » chapardages du père d’Arrietty. Le destin de cette petite famille va pourtant basculer avec l’arrivée inattendue d’un nouveau colocataire : le jeune garçon Sho. Sous sa condition d’humain géant aux yeux d’Arrietty, il est atteint d’une maladie du cœur l’empêchant tout effort physique important. Solitaire et fataliste, il arrive à la maison d’Arrietty accompagnée de sa grand-mère, en vue de se reposer avant une opération de la dernière chance. Et c’est au début même de son séjour que notre jeune fille croisera par hasard le regard de Sho, mettant ainsi en péril l’existence-même de son espèce en danger.

Arrietty, le petit monde des chapardeurs (titre original japonais Karigurashi no Arrietty) est tiré du roman The Borrowers de l’écrivain Mary Norton. Il faut noter que ce roman a déjà fait l’objet d’une adaptation au cinéma en live sous le titre « Le petit monde des emprunteurs » et fut réalisé par l’américain Peter Hewitt en 1997. Autant le dire tout de suite : il est passé totalement inaperçu chez nous.

Le film Arrietty a pour particularité de ne pas avoir été réalisé par le maître Hayao Miyazaki qui ne s’est chargé que du scénario du film. Comme cela avait été le cas en effet avec Les Contes de Terremer de Gorô Miyazaki, la réalisation du film fut confiée à un jeune réalisateur du nom de Hiromasa Yonebayashi. Arrietty constitue donc son premier long métrage. Ce choix s’inscrit dans la volonté du maître de vouloir perpétuer son héritage à des jeunes talents, en laissant les rennes sur des postes aussi cruciaux que celui de réalisateur. Une logique risquée cependant quand on voit le succès en demi-teinte des Contes de Terremer : il est bien difficile de passer après le maître Miyazaki avec autant de succès critiques en sa faveur …


En découvrant le monde d’Arrietty, on ne peut que se réjouir de retrouver les thèmes chers à Hayao Miyazaki. A commencer par le choix de mettre en avant une jeune fille au tempérament bien trempé, lointaine cousine de la première héroïne du réalisateur à succès : Nausicäa. Puis la luxuriance de la végétation et les ambiances florales nous renvoient directement à nos souvenirs d’enfance. Des souvenirs dont est imprégné la vieille bâtisse, celle-là même où résidaient la petite Mei et sa grande sœur Satsuki dans mon Voisin Totoro.  Enfin l’imaginaire avec ces petits êtres tout droit sortis d’un épisode des Minipouss et autres voyages de Gulliver. Arrietty ne pouvait pas mieux être entourée pour nous émerveiller. Et il est vrai que l’on s’attache sans peine à ces « Minipouss » , bravant les dangers de notre quotidien. Outre des décors enchanteurs, la bande son se montre pour le moins rafraîchissante et réussie. Sa créatrice et interprète française Cécile Corbel est ainsi parvenue à insuffler des sonorités occidentales aux origines celtes que l’on retrouve du début jusqu’à la fin du film.


Bien qu’elle soit sans peur, Arrietty n’en est pas moins exempte de tout reproche. Malgré ses 94 minutes, il ne se passe pas grand chose dans la maison, le réalisateur se complaisant à peaufiner les ambiances et à faire mûrir les sentiments d’Arrietty vis-à-vis de Sho.  Le rythme s’en ressent alors considérablement, laissant le spectateur assez frustré après l’épisode haletant de la première chaparde. On regrettera enfin le manque de travail en profondeur de certains personnages secondaires, comme celui du chasseur sorti de nulle part, preuve vivante de l’existence d’autres congénères de l’espèce d’Arrietty. Là aussi, on aurait tant aimé en voir plus…

Si le film n’est pas encore de la dimension des incontournables d’Hayao Miyazaki, la première réalisation d’Hiromasa Yonebayashi est tout de même une réussite. Plaisant à regarder, on suit les aventures de la petite Arrietty avec délice. On regrettera simplement le côté désuet de son intrigue et le manque de profondeur apporté à des personnages qui gagneraient en épaisseur à l’exception d’Arrietty. Une frustration que le spectateur compensera par la beauté des décors et sa bande originale qui nous transportent ailleurs.

Le film Arrietty, le petit monde des chapardeurs sort dans toutes les salles françaises le 12 janvier.

Note :

Le CD de la bande originale du film composée et interprétée par Cécile Corbel sort chez Wasabi Records le 5 janvier, en édition simple et édition collector limitée. Le livre du film est quant à lui disponible aux éditions Glénat.


Et voici un extrait de la VF :

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