EDITO – Surcouf, Virgin, GAME : la Chute des spécialistes

Comme chaque année, le début du mois de janvier est marquée par le début des fameuses soldes d’hiver. Un événement attendu par ceux qui sont à l’affût de bonnes affaires et ceux qui ont sagement patienté que les nouveautés soient proposés à des prix abordables. Chez les professionnels, c’est surtout le moment de tenter de faire de la place dans les rayons après une année morose côté vente, crise oblige. Et pour certains comme l’enseigne GAME, c’est même le moment de liquider définitivement.Triste époque…

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De mémoire, une telle hécatombe n’était jamais arrivée dans le secteur: l’avènement d’Internet et de son nouveau modèle économique auront définitivement bouleversé les modes de consommation de chacun. Dans un monde fou où tout accélère, le consommateur est devenu un véritable addict de la culture de l’instantané. On consomme des plats déjà cuisinés, on vous livre tel ou tel service directement à domicile, on regarde les chaînes TV du monde entier depuis son canapé, on discute d’un continent à l’autre par caméra interposée… Bref, la notion de progrès rime aujourd’hui avec la notions de gain de temps. Et pour les investisseurs, avec celle de rentabilité à tout prix. Dans une guerre des prix qui fait rage en temps de crise, Internet a accéléré les échanges et même permis de s’affranchir de la barrières historique entre le fabricant et le consommateur, mettant fin à la chaîne classique fabricant / distributeur-revendeur / consommateur. Et dans l’histoire, c’est bien l’intermédiaire qui trinque.

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GAME OVER: FINI DE JOUER

Depuis plusieurs mois, la chaîne de magasin spécialisé en jeux vidéo GAME fait parler d’elle dans les colonnes des médias du web à la rubrique des faits divers. Non, il n’y est pas question d’offres spéciales de reprises de jeux ou de consoles mais plutôt de la mise en liquidation de l’enseigne. Concurrence déloyale avec les prix pratiqués par les sites marchands en ligne, forte progression dans les pratiques d’achats de contenu dématérialisé, gestion des stocks catastrophiques: ces multiples raisons ont eu la peau de l’enseigne qui est aujourd’hui criblée de dettes. Et malgré une tentative de plan de redressement en début d’année, rien n’y a fait : GAME se dirige lentement mais sûrement vers une fin certaine, entrainant avec elle la disparition pure et simple d’une centaine de magasins franchisés et de sept cents employés dans la tourmente.Et pour remercier leurs bons et loyaux services, GAME a jugé bon de mettre en place une forme de liquidation déguisée en soldes d’hiver allant jusqu’à proposer des rabais de -60% sur des produits neufs. Résultat: la plupart des clients se précipitent sans scrupule dans les magasins songeant davantage aux bonnes affaires plutôt qu’au sens de leur acte. Encore une fois, la forme l’emporte sur le fond: un triste constat auquel se sont résolus les employés de GAME dont le sort ne semble intéresser ni leur comité d’entreprise en silence radio, ni les médias, bref personne. Cynisme.

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Ironie de l’histoire: seuls une quarantaine d’entre eux échapperaient au naufrage aux dernières nouvelles, en faveur d’un rachat par le concurrent de toujours MICROMANIA pour la somme « symbolique » d’1 million d’euros. Pourtant, le propriétaire de MICROMANIA, le géant américain GAMESTOP avec plus de 6.000 points de vente répartis aux quatre coins du monde, n’est pas au mieux non plus avec des résultats de vente en berne depuis plusieurs mois : et les ventes décevantes des fêtes de fin d’année 2012 sont là pour le confirmer..

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LA DISTRIBUTION A LA DÉRIVE

Un syndrome mondial qui touche toute la filière de la distribution de produits techniques et culturels et qui a déjà fait des victimes quelques mois plus tôt en France. Tout d’abord, le géant allemand SATURN, arrivée tardivement sur un marché mature, avait jeté l’éponge en 2010 faute de rentabilité et est racheté par l’enseigne BOULANGER du Groupe Mulliez. Un investissement qui lui aura coûté bien cher: Boulanger sera incapable de digérer les 35 magasins du distributeur allemand et vire au rouge. Au bout du compte, ce sont plus de 600 emplois qui se retrouvent menacés par un plan social à l’été 2012. Peu avant, le groupe Mulliez a dû mettre fin à l’aventure du distributeur de produits informatiques SURCOUF, pourtant véritable pionnier du marché à son époque. Un cas non isolé puisqu’un autre mastodonte du secteur des produits culturels vient lui aussi de déposé le bilan ce mercredi: VIRGIN MEGASTORE. Les 1000 emplois de l’enseigne sont désormais menacés par le redressement judiciaire ou une mise en liquidation, déjà concrétisé par la fermeture prochaine d’un des plus grand Virgin Megastore d’Europe, celui des Champs-Elysées. Tout un symbole.

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Même la FNAC est sur la sellette depuis plusieurs années et n’a su réagir que tardivement à la mutation des modes de consommation du grand public. Un sursis temporaire dont ne se cache pas son propriétaire, le groupe PPR, qui ne parvient pas à se débarrasser de sa filiale depuis deux ans pour mieux se recentrer vers le secteur du luxe et de l’habillement haut de gamme, plus rentables. A terme, l’enseigne FNAC semble vouer à devenir indépendante vis-à-vis de la multinationale qui ne veut plus l’assumer, détenant son propre destin en main à l’image du groupe de libraires indépendants Actissia (France Loisirs) récemment racheté par le fond d’investissement Nafaji. Durant combien de temps ? Là est la question.

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LE SOURIRE DE L’AMAZON

Paradoxe d’époque : la France a beau être le berceau de la Révolution, son secteur de la distribution n’a pas su anticiper celle du numérique. A la place, on préfère reporter la faute au seul piratage élu comme le pire fléau du XXIème siècle. Voire pire: brandir la tête de l’AMAZON au bout d’une lance, au motif une concurrence déloyale de ces sites marchands qui profitent de la défiscalisation de par leur statut de multinational (exception faite du site  britannique PLAY.COM qui vient de rendre les armes de la vente directe, victime de la suppression de l’exonération de la TVA à l’import de produits d’une valeur de moins de 18€ en Union Européenne, chose dont elle profitait jusqu’ici), provoquant ainsi la grogne du gouvernement français. Même la grande distribution habituellement montrée du doigt en fait les frais dans l’histoire, avec un impact moins important il est vrai. Mais comme nous l’avons vu précédemment, ce phénomène n’est pas que national mais bien mondial et touche principalement les distributeurs de produits média-techniques et culturels: disparition du distributeur de biens culturels Borders aux Etats-Unis en 2011, fermeture en 2006 des magasins du disquaire Tower Records. Allons, soyons cohérents: les véritables fautifs sont les hauts dirigeants de ces enseignes figées dans un mode de distribution d’une autre époque où le distributeur se taille une part du lion au niveau de sa marge dont les bénéfices sont redistribués à leurs actionnaires qui n’ont que faire du sort des employés tant qu’ils reçoivent leurs dividendes; des dirigeants qui ont été incapables d’opérer la mue vers le numérique et qui sont restés longtemps persuader que le consommateur n’abandonnera jamais le support physique pour un produit immatériel. La suite, vous la connaissez…

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