Lettre ouverte aux éditeurs et agences de communication à propos des événements

Du constat sur le déroulement de la soirée de lancement Call of Duty: Modern Warfare 3 hier soir, il m’est apparu important de réagir face aux dérives que peut engendrer ce type d’événements sur l’avenir du jeu vidéo. Voici une lettre ouverte que j’ai décidée de faire parvenir sciemment à l’éditeur Activision et aux organisateurs de l’événement concerné. Il s’agit d’une opinion personnelle que je vous laisse seul juge d’apprécier ou non.

« Bonjour,

Suite à la soirée Modern Warfare 3 hier soir, je souhaitais vous faire part de la profonde déception de mon équipe et de moi-même sur la gestion de cet événement ce soir-là. En effet, bien qu’étant en possession d’une invitation, il nous a été impossible de pouvoir accéder au lieu de l’événement. A 20h45, après plus de 2h d’attente dans le froid, le personnel à l’entrée du Palais a eu pour consigne de ne faire entrer plus aucun invité : on apprend en effet que plus de 900 personnes (!!) sont présentes dans l’enceinte (bien au-delà des 600 personnes prévues) et que près de 200 personnes invités attendent encore dehors. Une information surprenante et qui, je ne vous le cache pas, suscite stupeur et interrogations sur la gestion de l’événement ainsi que sur le nombre d’invitations envoyées ou de passe-droit accordées.

Notre compréhension est d’autant plus difficile que les services en charge de la communication, tant chez l’éditeur que chez les agences de communication, ont pour rôle d’éviter ce type de « débordement » sur des produits aussi sensibles. Les chiffres de ventes nationales de l’institut Gfk sur les précédents opus de la série sont autant d’outils de mesure sur l’attente que peut constituer un titre comme Call of Duty: Modern Warfare 3 : d’un statut de simple jeu vidéo, il occupe les premières places dans l’achat des produits de loisirs culturels en France, l’élevant au rang de phénomène de société quand il n’occupe pas la rubrique des faits divers dans la presse généraliste (http://lci.tf1.fr/filnews/france/creteil-pres-de-400-000-euros-de-jeux-video-derobes-6809344.html).

L’événement était-il à la hauteur d’un jeu comme MW3, à savoir démesuré de par les moyens mis en place et son parterre de stars ? Sans doute. Les organisateurs ont-ils été dépassés par son déroulement ? Sans doute également. Ceci aurait-il pu être évité ? Assurément.

Nous comprenons les enjeux commerciaux que peuvent comporter la promotion d’un produit sensible. Mais nous n’en pouvons plus de ces événements promotionnels où les responsabilités engagées ne sont pas assumées. Comme d’autres blogs invités, nous avons réceptionné une invitation pour cette soirée: nous avons donc choisi de relayer cette information dans nos colonnes (https://tryandplay.com/lancement-modern-warfare-3-gamestop/) car nous pensions être en mesure de pouvoir couvrir cet événement. Comme vous l’avez compris, cela n’a pas été le cas.

Nous ne blâmons ni l’éditeur Activision, ni les agences de communication qui ont été en charge de cet événement. Le problème que nous soulevons est celui des événements dédiés aux jeux vidéo où les sollicitations demandées aux blogs et même presse spécialisées en terme de « buzz » sur un événement ne sont pas en adéquation avec les moyens mis en place ou des promesses trop souvent démesurées. Nous souhaitons également que stop des amalgames ambigus du type « soirée de lancement = événement dédié aux fans » : la véritable soirée de lancement MW3 était celle en partenariat avec l’enseigne Fnac puisqu’à caractère commerciale. La soirée au Palais Chaillot n’était ni une soirée de lancement, ni un événement dédié au fans: il s’agissait d’une opération marketing pour mettre en avant des stars du showbiz sans dénominateur commun (combien d’entre eux ont déjà jouer ou connaissent le type de jeu auquel appartient MW3 ?), de véhiculer les images d’une foule se pressant aux portes du Palais Chaillot qui feront le tour du net. Mais dans tout ça, où retrouve t-on le produit « jeu vidéo » ? MW3 aurait pu très bien être un film, un disque, une ligne de vêtements ou un nouveau produit alimentaire révolutionnaire.

Nous ne pouvons que constater que les méthodes employées pour communiquer sur la sortie d’un nouveau jeu vidéo aujourd’hui sont les mêmes que pour n’importe quel produit de consommation. Élever le jeu vidéo à ce niveau comme c’est déjà le cas pour le cinéma et la musique, c’est dénigrer le travail des studios de développement: le joueur « édition 2011 » achète, consomme et jette. Nous avons le sentiment que les blogs jeu vidéo comme la presse spécialisée sont traités eux aussi comme des produits de consommation par les acteurs de la communication du marché du jeu vidéo: une fois usagés, ils sont jetés.

Le jeu vidéo est devenu une industrie, non par l’engouement suscité à son égard qui a toujours existé depuis sa création, mais par les méthodes de communication utilisées qui n’ont pour seul but que de pouvoir engranger davantage de millions d’€uros au profit d’actionnaires éternellement insatisfaits.

Ce que nous dénonçons aujourd’hui, c’est le non respect du travail des médias spécialisés, l’instrumentalisation des concepteurs à des fins uniquement mercantiles (en jouant sur la corde « fan service ») exhortant toutes considérations artistiques ou créatives, et enfin le non respect de la communauté des consommateurs de ces jeux qui ne font que la fortune de leurs distributeurs plutôt que de leurs concepteurs.

Nous espérons que nos doléances puissent être entendues et permettront de continuer à nourrir l’intérêt des générations futures pour cette culture fédératrice qu’est le jeu vidéo. »

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